Dans
la période qui précède la mousson,
étalée sur un mois, se déroule,
à Patan, la grande procession
de Matsyendra Nath, l'un des patrons de la
vallée de Katmandou, qui joue le rôle
de dieu de la pluie.
C'est, en principe, une fête purement newar
et bouddhiste, mais en fait tous les habitants de
la vallée y participent, sans distinction de
croyance.
Vous pouvez rencontrer ce Matsyendra Nath, sous sa
forme blanche, dans un des temples les plus fréquentés
de Katmandou.
A Patan, il est devenu rouge et possède un
sanctuaire qui s'élève au milieu d'une
véritable prairie que les vaches apprécient.
Devant le temple-pagode, de très nombreux piliers
servent de soubassement à des bronzes qui sont
une des spécialités de la ville de Patan.
Sur l'un d'eux, tous les dieux sont groupés,
chacun sur son véhicule : Shiva sur le taureau
Nandi, Vishnou sur l'oiseau Garouda, et Ganesh, qui
semble avoir bien du mal à rester en équilibre
sur son rat ! Pourtant, malgré cet immense
espace vert, Matsyendra Nath a éprouvé
le besoin d'avoir une " résidence secondaire
", où il vit six mois par an, à
Bungmati, à quelques kilomètres au sud
de Patan. La grande procession! a justement pour but
de raccompagner Matsyendra Nath de Patan à
Bungmati. Mais le dieu met longtemps à se préparer.
Tout
d'abord, au cours d'une première phase qui
se déroule dans la seconde quinzaine d'avril,
la statue de Matsyendra Nath est sortie de son temple
et portée sous un arbre, au sud de la ville.
C'est là, dit-on, que se serait arrêté
le roi Narendra Deva qui était allé
le chercher sur une montagne. En fait, il semble que
le dieu ait été vénéré
localement sous le nom de Buga, bien avant le roi
Narendra, mais celui-ci affirma reconnaître
en lui Avalokitesvara, le sauveur compatissant du
bouddhisme, et décida de mettre la vallée
de Katmandou sous sa protection.
Il n'avait pas plu, dit-on, depuis douze ans et le
roi se désespérait. Les légendes
expliquent cette sécheresse anormale de façon
très pittoresque :
Goraksha Natha, ermite qui vivait dans une grotte
de Gurkha, voulait voir Matsyendra Nath. Il enferma
donc les nuages dans un gros sac et s'assit dessus,
ce qui provoqua immanquablement une sécheresse
totale. Quand Matsyendra arriva pour sauver le pays,
Goraksha Natha se leva par respect pour lui. Aussitôt
les nuages s'échappèrent et la mousson
se déclencha.
Actuellement,
pour sa renaissance annuelle, la statue du dieu est
baignée dans la rivière, puis peinte
en rouge, habillée et ramenée dans son
temple. Quelques jours plus tard, on amène
un immense chariot processionnel dans la cour du sanctuaire.
Il est dominé par une tour de près de
vingt mètres de haut, entièrement recouverte
de feuillages, de rubans rouges et d'ex-voto. Sur
les roues pleines, sont peints les yeux de Bhairava.
Sur la plate-forme, s'élève une petite
chapelle très sculptée où se
trouve la statue du dieu. A l'avant, une autre statue,
celle de Bhairava faisant le geste de l'enseignement,
joue le rôle de figure de proue.
Au
jour fixé par les astrologues, la foule des
fidèles s'attelle au char. Ceux qui ne peuvent
pas le faire se contentent de toucher les cordes,
ce qui est censé leur porter bonheur. A un
moment donné, la lourde machine s'ébranle
au milieu des cris et des chants. Etant donné
le poids du char, ceux qui le tirent ne peuvent faire
que de courtes étapes : cinq cents mètres,
un kilomètre tout au plus. Les chars visitent
les différents quartiers de Patan et s'y arrêtent
longuement. Un prêtre newar grimpe cependant
au sommet de la tour et lance une noix de coco. Ceux
qui désirent un fils doivent essayer de l'attraper.
Mais le rite essentiel qui a lieu à Jawa Lakhel,
à l'ouest de Patan. C'est le déshabillage
de la statue et l'exposition à la foule de
son vêtement d'enfant, le bhoto. Matsyendra
Nath est, en effet, considéré comme
un nouveau-né, pour lequel on pratique les
différents rites de naissance.
A
cette cérémonie, particulièrement
solennelle, assistent le roi et la Kumari de Katmandou.
Ainsi sont rassemblés tous les protecteurs
de la vallée, vivants ou déifiés.
La foule est immense et fait respectueusement le tour
du char en offrant des fleurs, des fruits, de la monnaie
à la divinité. A la fin de la fête,
les prêtres newars emportent la statue au village
de Bungamati, où elle restera six mois, avant
de renaître à nouveau. Mais il est rare
qu'à ce moment n'éclate pas un orage,
car ils sont fréquents en mai dans la vallée.
Les assistants attendent avec impatience cette ondée,
signe de l'action bienfaisante de Matsyendra Nath
et de la mousson qui approche.