Du lac, le bien aimé
Banira GIRI 1998
( Le rapt de la démocratie népalaise au regard de Banira
GIRI)
traduction Kalpana GHIMIRE
Quelque
part,
loin..
il y aurait un lac,
beau, limpide, pur,
au-delà des montagnes,
sous la tenture du ciel bleu.
Ondulation,
clapotis
Ce
lac serait en attente,
des visiteurs qui l'admireraient,
des visiteurs qui l'éprouveraient,
des visiteurs enchantés.
Les
anciens disent,
autrefois,
qui sait exactement quand ?
De d'immensité de l' Himalaya ,
une femme à la grâce incomparable,
séduite par la beauté du lac,
s'y serait plongée.
En
émergeant,
sa gracieuse forme
se serait transformée en or.
Sur
le champs,
un troupeau de jeunes hommes
l'auraient saisie, l'auraient déchiquetée,
et se seraient partagé les morceaux.
Il
y a ceux qui prétendent
que l'un d'eux
aurait mis la main
sur le coeur immaculé de la belle
et
loin des yeux des autres,
l'aurait serré contre son propre cur battant!
Les nuits oniriques de la pleine lune,
dans les vagues scintillants du lac,
on chuchote que ces deux coeurs transformés en cygnes blancs
murmurent et échangent des propos d' amour
Ils
seraient en attente,
du cortège nuptial,
des cloches de mariages,
des rituels, des voeux ,
du repas de noces,
des grains de riz sur les invités,
des demoiselles d'honneur
et du témoin
et par dessus tout ,
du noeud le plus sacré
de la passion charnelle,
l'Amour.
Nous les serviteurs du maître amphigourique
Banira GIRI, juillet 2003
Traduction Kalpana Ghimiré
(Les
villageois du canton de Tiroua, Népal ont une tradition qui
surprend les passants. Ils viennent régulièrement
nettoyer les estrades de crémations situées au bord
des rivières. En effet, au Népal, en général,
les morts sont incinérés sur des estrades en pierre
toujours situées au bord des rivières ou fleuves sacrés.
Dans le contexte népalais, c'est un acte ahurissant car en
général, seules des personnes de très basse
caste spécialisée dans cette besogne le font sur paiement
d'une somme importante. Or, ces villageois le font sans rétribution
et sans contrainte de nul part. Quand on leur demande la raison
qui les pousse à ce 'service', ils répondent- ' Nous
le faisons car nous sommes les serviteurs du maître amphigourique
!'
Banira
GIRI a vu dans cette tradition insolite un métaphore de la
condition humaine du peuple népalais, écrasé
par un système socio-politique quasi féodale.)
Oui !
Nous sommes
des assujettis,
enchaînés de par nos naissances,
vassaux dans nos jeunesses,
soumis dans nos actes de chair,
pliés dans nos morts.
Aux quels droits pourrions-nous prétendre,
nous des esclaves asservis ?
Cependant,
c'est en nos noms,
que les régimes sont tricotés et détricotés
!
Nouer, dénouer, faire, défaire !
Ce jeu mène les adroits aux sommets,
leurs gloutonneries
font verser des dépurations
qui s'entassent, s'amassent
Oui !
Nous sommes
des assujettis,
enchaînés de par nos naissances.
C'est notre devoir
de nettoyer ces tas et amas,
de frotter les estrades crématoires,
nous rinçons, nous astiquons.
As
nom de la vie,
nous sommes leurrés,
bernés, filoutés
Nous sommes éteints,
nous sommes trempés, ramollis,
. des allumettes usées.
Les allumeurs nous allument et jettent,
nous sommes allumées puis jetées.
Allumés,
jetés,, entassés
Des cadavres du crématoire,
Nous soulevons les cendres,
nous frottons, nous astiquons.
Oui
!
Nous sommes
des assujettis,
enchaînés de par nos naissances.
Ebahi
des sommets vertigineux,
nous avons été saisis par leur beauté captivante,
A la vue des cañons sinistres,
nous avons tremblé de crainte.
Pourtant , nous sommes montés
et descendus
mais.
Notre sort est celui des fleuves,
toujours en aval..
Emporté
par le courant,
le fleuve déverse sur les rives,
sur les crématoires
bâtis au bord des rives.
Nous
époussetons nos habits,
ravivés,
nous nous appliquons à frotter
les estrades crématoires .
Oui
!
Nous sommes
des assujettis,
enchaînés de par nos naissances
Tels
les glaciers
qui fourbissent les pentes himalayennes,
tel le clair de la lune
qui rince la tristesse du cur,
nous lavons les estrades de crémation,
par devoir.
Oui
!
Nous sommes
des assujettis,
enchaînés de par nos naissances.
'C'est un crématorium bien entretenue',
chuchotent les passants entre eux,
ils admirent et louent,
cependant aucun ne daigne demander,
'Mais qui donc sont ces villageois anonymes
qui entretiennent si bien ce lieu ? "
Peut-être un jour,
un homme
fort, beau, propre,
riche de compassion et d'esprit,
s'arrêtera-t-il devant ?
Aura-t-il une pensée
pour nous, les serviteurs ?
Nous pourvoira- t-i l un gagne-pain,
du pain,
de l'argent ?
Alors,
des anonymes,,
nous deviendrions des 'hommes'
des nom,
des identités !
En
attendant,
nous ne sommes que
des assujettis,
enchaînés de par nos naissances,
des serviteurs du maître amphigourique,
des serviteurs du maître amphigourique.