Katmandou

Banira GIRI, 1984
Traduit de l'original en népali par Kalpana GHIMIRE

Katmandou est devenu un four surchauffé
par centaines de milliers de volts,
telle Sita* à son épreuve par le feu,
les filles paumées de ce capital,
prises dans l'étau des illusions
sont contraintes d'y prendre siège
corps tendres prêts à être stigmatisés,

Les colombes blanches en vol
à travers le ciel bleu illimité (**)
sont verrouillées dans l'oeil du chaque citoyen.

Des sinistres contrebandiers,
des gros arnaqueurs,
de terribles manipulateurs et cafardeurs
y deviennent purs
se plongeant dans les eaux de l'étang Rani Pokhari

Les peupliers, les callistemons, les jacarandas,
et les pins aèrent incessamment
ses habitants, candides ou perfides

Cependant,
Katmandou n'est pas fraîcheur
Katmandou n'est pas bienveillance
Katmandou est un tour de passe-passe, une formule abracadabrante

Ces insatiables Toyota Corolla officielles
avec leur plaques d'immatriculation blanches,
engloutissent des litres et des litres d'essence,
N'est-ce pas cela, Katmandou?
N'est-ce pas également le débit de boisson de Nanicha,
où la foule quotidienne des Gunja Man et Ram Bahadur
s'entasse, jettent leurs têtes en arrière
à fin de boire leurs boissons d'un seul trait
pour ensuite rentrer à la maison battre leurs épouses ?

Les traces profondes des Toyotas - dans les rues,
les empreintes bleuâtres des Gunjaman et Ram Bahadur - sur les corps roués des femmes
est-ce peut -être cela, les accomplissements quotidiens de Katmandou ?


Katmandou est
le babillage puérile de mon cher enfant qui rêve,
que je ne comprend qu'à moitié
mais brûle de désire d'entendre plus;

Prise dans le tapecul entre attraction et répulsion
je sais -
beaucoup me maudissent
Peu m'aiment
Mais
puisque j' habite à Katmandou
N'est-ce pas que Katmandou m'habite ?


D'incessantes manifestations dans les rues de Katmandu
débordent dans mes rêves quotidiens
Ah!
Mes nuits sont remplies de tumultes
mais couverts de brouillard à couper au couteau
et combien silencieux mes matins froids de Katmandou,
tels épuisés par la veillée funèbre nocturne des morts de la ville

Rempli de contes
fascinants, doux et amers,
Katmandou est une grande épopée.
Ce Katmandou adoré,
préambule des discours médisants des leaders,
choeur des besoins et du dénouement du peuple,
l'apaisement des hausses des salaires,
la lamentation des hausses des prix,
l'éternel cache-cache entre
pénurie et approvisionnement en sucre et kérosène
Rien ne manque ici !

Pauvre Katmandou !
Aimé de tous,
Maudit de tous,
tel le narrateur des fêtes de Satyanarayan
qui rabâche la même histoire de Lilavati et Kalavati,
les habitants de Katmandou-
fredonnent les mêmes refrains,
trottent les mêmes rues,
vont aux mêmes cortèges,
envahissent les mêmes foires,
prennent part aux mêmes fêtes.
Devenus des coucous,
ils ne cessent de seriner
Katmandou, Katmandou,
Katmandou, Katmandou.

Notes:

*Sita, épouse de Ram de l'épopée Ramayana, modèle de vertus conjugales hindoues, pourtant forcée par son mari d'attester sa fidélité par une épreuve de feu
** références aux aspirations démocratiques des habitants de Katmandou, en effet le bleu représentait les partis démocratiques bannis à l'époque.